Technologies et données : au cœur de la mobilité de demain
L’Agence de mobilité durable de Montréal a tenu son premier panel de l’année au sujet de l’utilisation des technologies et des données dans le but de mieux planifier l’espace public et d’optimiser la mobilité urbaine. La discussion, qui a réuni cinq spécialistes du Canada et des États-Unis, a permis de mettre en lumière les opportunités et les défis de cette profonde transformation dans les pratiques municipales afin de rendre les villes plus accessibles pour tout le monde.
L’usage de données pour une meilleure prise de décision
Benoit Balmana, directeur général d’IVÉO (une organisation qui vise à accélérer l’innovation dans le secteur municipal), aborde tout d’abord l’importance pour les municipalités de s’appuyer sur des données fiables pour prendre des décisions éclairées en matière d’aménagement de l’espace public et pouvoir ensuite les justifier. Il cite en exemple l’enjeu des stationnements dans les villes : « C’est un sujet très émotif. Mais quand on est capable de recueillir des données 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour avoir un portrait très juste de la situation, c’est plus facile d’argumenter à savoir si des places de stationnement manquent ou non. »
Les autres panélistes sont du même avis. Mary Catherine Snyder, stratège en stationnement au département des transports de la ville de Seattle, présente son projet de tarification variable et basée sur la performance (aussi appelée « tarification dynamique »). Son équipe et elle utilisent des données collectées au cours des dix dernières années pour établir des tarifs de stationnement en fonction de leur taux d’occupation. Les tarifs changent donc selon le quartier, le moment de la journée et la période de l’année. « Lorsque nous présentons les données, les gens apprécient le fait que nous ne nous contentons pas de fixer des tarifs de façon aléatoire », rapporte-t-elle.
Des informations au bénéfice de la population
Selon les membres du panel, les données collectées doivent absolument être mises au service de la population. Faiyaz Patel, directeur du développement du stationnement à la Toronto Parking Authority, et son équipe se sont intéressés à l’occupation en temps réel des stationnements sur rue et hors rue de la ville. Ces informations ont ensuite été intégrées dans une application mobile afin de fournir à la population des indications en temps réel sur la disponibilité des places de stationnement. « Cela permet aux gens de se rendre d’un point A à un point B de façon moins stressante en plus de diminuer les embouteillages dans la ville de Toronto et de réduire les émissions des véhicules », commente-t-il.
Obstacles et enjeux du déploiement technologique
Que l’on parle de capteurs dans le sol et sur les panonceaux, de lecture automatisée de plaques d’immatriculation ou d’applications pour le paiement des places de stationnement, ce ne sont pas les solutions technologiques pour mieux planifier l’espace public qui manquent.
Or, selon les panélistes, le coût de ces technologies (pour l’achat, l’utilisation et la maintenance) ainsi que la superficie et la diversité des territoires représentent des obstacles importants aux déploiements des projets. Nicolas Filion, directeur principal de la technologie à l’Agence de mobilité durable de Montréal, explique qu’avec plus de 18 000 places de stationnement tarifées sur rue et environ 500 000 espaces de stationnement non réglementés ou résidentiels, il serait trop onéreux d’avoir un portrait exhaustif du taux d’occupation de chaque emplacement.
Plusieurs solutions sont évoquées afin de réduire le coût du déploiement des projets technologiques, dont le recours à diverses technologies en simultané pour obtenir une vision globale ou encore l’extrapolation de données collectées dans un secteur restreint. Benoit Balmana ajoute que des projets peuvent être testés à moindre coût dans de petites villes avant d’être déployés à plus grande échelle dans des municipalités plus populeuses.
La gestion des données
La gestion éthique et responsable des données, la protection de la vie privée et la sécurité des renseignements personnels demeurent des priorités pour les panélistes. Pour atteindre ces objectifs, l’anonymisation et la sécurisation des données sont essentielles, indiquent les spécialistes. « La première chose à faire, c’est de ne pas collecter la donnée si on n’en a pas besoin ou de la supprimer quand elle n’est plus requise », soutient Nicolas Filion, en rappelant les coûts financiers et environnementaux du stockage infonuagique de grandes quantités de données.
Les nouvelles technologies permettent en effet de récolter un nombre considérable de données, qu’il n’est pas toujours possible de traiter et d’analyser pleinement encore, s’entendent les membres du panel. Or, ce problème pourrait bientôt être résolu grâce à l’intelligence artificielle.
Benoit Balmana assure que les entreprises dans le domaine des nouvelles technologies sont conscientes de ces enjeux et qu’elles se montrent très créatives lorsque vient le temps de trouver des solutions pour dépersonnaliser et compresser les données.
Vers une standardisation des données et une meilleure collaboration intermunicipale
Élisabeth Poirier-Defoy, directrice générale adjointe chez MobilityData — un OBNL dans le domaine des données ouvertes —, évoque quelques solutions pour faciliter l’usage des données et réduire les coûts associés à leur collecte et à leur traitement, telles que leur standardisation et leur interopérabilité (c’est-à-dire le croisement des données collectées par différents outils technologiques). « Du côté des capteurs, par exemple, une façon d’en diminuer les coûts serait d’utiliser un standard réglementé pour pouvoir uniformiser la manière dont la donnée est créée et ensuite utilisée », explique-t-elle.
Les membres du panel croient que les municipalités doivent mettre en commun leurs données, mais aussi partager leurs apprentissages afin d’accélérer l’innovation et éviter de reproduire les mêmes erreurs. À Montréal, la transparence dans le processus de collecte et de traitement des données ainsi que le partage de celles-ci est une priorité. À Seattle, c’est une pratique courante depuis 15 ans et Toronto prévoit emboîter le pas d’ici 2026. « C’est une des parties intéressantes d’évoluer dans un cadre municipal, nous ne sommes pas en compétition », pense Faiyaz Patel. L’Agence de mobilité durable compte d’ailleurs rendre public très bientôt un portail de données en mobilité permettant la visualisation ainsi que l’analyse des données ouvertes issues de différentes organisations de l’écosystème montréalais.
Nos panélistes

Directeur général, IVÉO

Directeur principal de la technologie, Agence de mobilité durable de Montréal

Directeur du développement du stationnement, Toronto Parking Authority

Directrice générale adjointe, MobilityData

Stratège en stationnement, département des transports de la ville de Seattle

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